Article paru dans notre magazine Convictions n°53
La plus-value réalisée par le cédant d’entreprise peut être très élevée. Heureusement, et depuis de nombreuses années, la fiscalité française prévoit des modalités de mise en sursis de son imposition.
Pour en bénéficier, la condition est de remployer une partie du prix de cession dans une nouvelle activité économique, donc de reprendre du risque entrepreneurial. À 40 ans, pourquoi pas, à 65, pas
forcément d’accord ! Alors comment profiter de ce dispositif en limitant la prise de risque ?
PRINCIPE
L’article 150-0 B ter du CGI prévoit, sous certaines conditions, que l’imposition de la plus-value réalisée dans
le cadre d’un apport de titres à une société soumise à l’IS est reportée.
Si ladite société cède les titres dans un délai de 3 ans et prend l’engagement de réinvestir le produit de leur cession, dans un délai de 2 ans et à hauteur de 60 % minimum, dans une activité économique le report est maintenu. Le chef d’entreprise qui a préparé sa vente dans le cadre de ces dispositions a donc souvent déjà apporté les titres de sa société d’exploitation à sa holding à l’IS, et les a vendus à un repreneur dans les 3 ans. Il dispose alors de 2 ans pour réinvestir au moins 60 % du produit de sa cession dans des actifs éligibles.
RÉINVESTIR : OUI, MAIS OÙ ?
L’ex-dirigeant peut bien sûr recréer une nouvelle activité, ou prendre une ou des participations au capital d’entreprises. De nombreuses contraintes réglementaires doivent néanmoins être respectées, et la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier reste interdite.
L’activité de location meublée, même « professionnelle » au sens fiscal, est considérée par l’Administration comme la gestion de son propre patrimoine immobilier, elle est donc exclue des 60 %.
En revanche, les activités de promotion immobilière sont éligibles car commerciales… mais demeurent souvent risquées, surtout pour des non-initiés.
En cas de cession partielle ou totale de son entreprise, cette plus-value représente le fruit d’une vie de travail : pas question d’en jouer les deux-tiers au poker sous prétexte d’économiser de l’impôt ! Or, le principe de remploi dans une activité économique comporte un risque de perte : comment le réduire ?
La première réponse consiste à diversifier son réinvestissement en y intégrant une part d’immobilier éligible.
Cette partie de l’investissement est plus résiliente, moins susceptible de variations abruptes, notamment à la baisse. Et plusieurs activités sont indissociables de leur immobilier :
- L’hôtellerie répond parfaitement à cette option : en effet, un hôtel comporte à la fois un fonds de commerce et des murs. La détention des murs abaisse le risque de perte en capital.
- La vigne et la forêt sont d’autres réponses possibles : la valeur des parcelles foncières est, en général, élevée au regard de la valeur de l’exploitation viticole ou forestière : ici encore, elle réduit le risque de perte en capital.
Le choix de ces actifs tangibles que sont les immeubles ou les terres est généralement privilégié par les chefs d’entreprise soucieux de limiter leur risque.
La deuxième réponse est la diversification : investir non pas dans une seule activité mais dans plusieurs, notamment à travers des fonds de capital-risque*.
Depuis que cette possibilité a été donnée par le législateur, les fonds « éligibles au remploi » se sont multipliés. Ils contribuent significativement au développement du secteur du « private equity » en France. Ces solutions permettent d’investir au sein d’un ou plusieurs fonds qui ont pour objectif de construire et valoriser un portefeuille de prises de participation dans des PME en croissance et autres start-up ! Les perspectives de performance sont souvent élevées, en rapport avec le niveau de risque pris.
ET APRÈS ?
Lors de la liquidation des fonds de capital-investissement (au moins 5 ans après la souscription), ou de la cession des activités objets du remploi, le report de fiscalité perdure : pas d’impôt de plus-value à payer !
L’impôt reporté ne sera dû qu’en cas de réduction de capital de la holding ou de cession à titre onéreux des
actions de la holding. La transmission à titre gratuit, sauf exceptions, permet de mettre fin au report.
Notre Conviction
Attention aux 24 mois qui passent vite, la recherche d’opportunités d’investissement doit démarrer très tôt. Il est crucial de saisir les opportunités au fur et à mesure qu’elles se présentent pour diversifier et ne pas être contraint, à quelques mois de l’échéance, de tout investir sur une unique solution.
* Fonds communs de placement à risques, fonds professionnels de capital investissement, sociétés de libre partenariat ou sociétés de capital-risque respectant les conditions prévues par le CGI.

Lionel DUCROZANT
Responsable Développement, Eternam
lducrozant@eternam.fr