Les arbitrages patrimoines professionnel et personnel

Les dirigeants actionnaires ont en général un patrimoine dans lequel la frontière entre actifs professionnels et biens personnels est assez ténue, et c’est normal : c’est l’entreprise qui permet à la famille de s’enrichir et c’est le fait d’être une entreprise familiale qui assure une forme de pérennité à l’entreprise. Revenus, investissements, gouvernance, … tout est lié !

De la création à la cession ou la transmission de son entreprise, il faut choisir sa stratégie pour limiter le frottement fiscal et optimiser l’enrichissement de la famille et/ou le développement de l’entreprise.

La stratégie de rémunération : une gestion fine chaque année

La question principale que se posent régulièrement les dirigeants et leurs conseils, c’est la rémunération et la répartition entre salaire et dividendes, et l’opportunité de mettre en place une stratégie d’intéressement, de participation, et/ou de plan épargne entreprise… La stratégie de revenus fait l’objet d’un ajustement annuel en fonction des résultats de l’entreprise, de la fiscalité en vigueur et des besoins du dirigeant.

Si les statuts le permettent, il est possible de piloter les versements des dividendes de façon assez fine. Il est notamment possible, sous certaines conditions, de flécher une distribution de réserves ou de résultat exceptionnel aux enfants nus-propriétaires sans être obligé de gratifier les parents pour qu’ils donnent à leurs enfants.

Une alternative peut aussi être la stratégie de réduction de capital : depuis que le revenu dégagé par cette opération est taxé comme les dividendes (PFU de 30%, prélèvements sociaux inclus), elle est moins plébiscitée. Elle permet toutefois, dans certains cas, de taxer une assiette moins importante. C’est le cas notamment après une donation : les bénéficiaires ont en général reçu les titres avec un prix de revient non nul, s’ils décident de vendre une partie de leurs actions à la société qui les annule, la quote-part taxable est limitée à la plus-value et tient compte d’un prix de revient.

L’acquisition de locaux d’exploitation : une décision structurante pour le patrimoine familial

Une autre piste à creuser, c’est de commencer à transmettre activement. D’abord avec des cadeaux, étrennes, présents… qui ne seront pas taxés car il s’agit de présents d’usages. Par définition il doit s’agir de présents de faible taille au regard de celui qui les consent… Mais il est possible d’anticiper aussi avec des « vraies » donations, significatives, qui restent intéressantes à tout âge !

Il est tout à fait possible de transmettre à ses enfants ou / et petits-enfants en utilisant l’effet de levier du démembrement de propriété et ainsi profiter d’une exonération définitive de fiscalité sur la quote-part d’usufruit qui s’éteindra au décès. Même au-delà de ses 91 ans, cela représente un gain fiscal de 10%.

Imaginons un couple âgé de 75 et 78 ans qui souhaite amorcer la transmission de biens immobiliers de rapport valorisés 600.000 € à leurs deux enfants. En donnant a nue-propriété, la valeur fiscale transmise est de 420.000 €, soit 180.000 € de valeur d’usufruit non taxée. Par ailleurs, en se réservant l’usufruit, le couple continue à percevoir les revenus de ces actifs et ne se dessaisit pas immédiatement des biens.

Ce type de donation est toutefois soumis au délai de rappel fiscal. Si le couple de notre exemple décède 13 ans plus tard, le délai de reconstitution des abattements et des tranches étant de 15 ans, il faudra tenir compte de cette donation pour le calcul des droits de succession. 

Il est pertinent également de gratifier via une donation ses petits-enfants, pour profiter d’un abattement de 31.865 € par grand-parent par petit-enfant, non disponible au moment de la succession. Ainsi, un couple ayant cinq petits-enfants peut transmettre jusqu’à 320.000 € en pleine propriété (voire plus, en cas de donation en nue-propriété) sans aucun frottement fiscal. Autre avantage de ces transmissions : on peut en général éviter de se soucier du délai de reconstitution des abattements puisque les petits enfants ne sont, a priori, pas héritiers.

Seules de rares transmissions échappent au rappel fiscal : ce sont les dons de sommes d’argent. Chaque parent, grand-parent ou arrière-grand-parent peut donner sans droits une somme d’argent à un enfant, petit-enfant ou arrière-petit-enfant. Le bénéficiaire devra payer les droits de donation après application d’un abattement de 31.865 € sur le montant du don à condition de remplir deux conditions : le donataire doit avoir plus de 18 ans au jour de la donation et le donateur moins de 80 ans. En l’absence de descendant direct, un oncle ou une tante peut faire une donation dans les mêmes conditions à son neveu ou sa nièce.

Dernière technique de donation permettant, à tout âge, de diminuer la fiscalité de la transmission : donner et prendre en charge les droits. En effet, en théorie c’est celui qui reçoit, le donataire, qui est redevable de la fiscalité. Toutefois, si le donateur paie lui-même les droits, cela ne sera pas considéré comme une donation supplémentaire. Cela signifie que les liquidités ayant servi au paiement des droits sortent du patrimoine et ne seront pas taxés lors de la succession !

Prenons un cas très schématique : une femme de 91 ans dispose d’un patrimoine immobilier de 2.000.000 € et de liquidités pour 2.000.000 €, son seul héritier est un neveu. Si elle donne la nue-propriété de la totalité de ses biens immobiliers, la fiscalité est de 990.000 € (2.000.000 x 90% de valeur de nue-propriété x 55% de fiscalité compte tenu du lien tante / neveu). Si elle acquitte ces droits, au jour de son décès, son actif successoral n’est que de 1.010.000 € soit des droits de succession ramenés à 555 500 € et une fiscalité globale réglée de 1.545.500 €. Or en l’absence de transmission, la fiscalité aurait été de 2.200.000 € pour son neveu : on a donc réalisé une économie fiscale de 655.000 € soit 16% de l’actif de Madame !

Préparer sa retraite

L’entreprise est en général la source principale de revenus du dirigeant et elle va lui permettre de se préparer des revenus complémentaires à la retraite. S’il envisage de vendre l’entreprise, la solution est assez simple : le capital obtenu suite à la cession, placé dans de bonnes conditions, lui permettra de se constituer des revenus complémentaires. Si l’entreprise reste dans la famille, il n’est pas rare pour le retraité de conserver une fonction de direction, et/ou des parts pour bénéficier d’une rémunération, de jetons de présence et/ou de dividendes.

En amont il n’est pas inutile de profiter des plans d’épargne retraite qui permettent de réaliser des versements sur des plans d’épargne qui bénéficient en général d’un cadre fiscal favorable (cf. cadre).

Notre conviction

Chaque année, l’analyse des résultats et des projets de l’entreprise doit être l’occasion d’un échange entre un dirigeant et ses conseils pour déterminer les impacts sur le patrimoine personnel et professionnel des choix stratégiques réalisés.