Investir dans la « logistique du dernier kilomètre »

La crise sanitaire a accéléré de nombreuses tendances comportementales, dont celle du recours au e-commerce. En parallèle, un mouvement plus profond ne se dément pas : l’urbanisation croissante de la population. L’augmentation du trafic des véhicules de livraison en ville est donc forte.

Par ailleurs, dans leur lutte contre la pollution, les villes, et en particulier les capitales et les métropoles, durcissent leur réglementation sur le transport intra-muros.

Dans ce contexte apparemment contradictoire, comment la logistique du dernier kilomètre peut-elle concilier le respect de l’environnement et le besoin d’infrastructures dédiées à ce nouveau commerce de proximité ?

Évolution durable des comportements d’achat

Le commerce de produits et services sur internet conclue une nouvelle année record en 2020 : 112 Mds€ de chiffre d’affaires, en hausse de 8,5%. Sa part dans le commerce de détail est passé à 13,4% contre 9,8% en 2019.

Trois demandes du consommateur sont responsables de cette augmentation :

1-La livraison à domicile : elle concerne principalement les biens consommation courante (équipement de la personne et de la maison, alimentation) ;

2-Le « click & collect », fortement développé par les magasins physiques des enseignes de distribution lors de cette période récente ;

3-Le « drive », qui concerne surtout les enseignes alimentaires.

Le dernier kilomètre : des flux de circulation accrus en centre-ville

Ces besoins de livraison ne sont pas les seuls à accroître la circulation urbaine « entrante » : les enseignes de détail, la restauration, les travaux immobiliers de rénovation et de construction conduisent également leurs véhicules de livraison au cœur de la ville.

Les flux « sortants », même s’ils restent minoritaires, pèsent, eux aussi, dans cette inflation : évacuation des déchets, recyclage, « colis en retour » du e-commerce… etc.

Des relais de stockage de proximité sont donc indispensables : il s’agit de stocker les marchandises au plus près des consommateurs. Et depuis ces installations centralisées, alimenter les « points de retrait » ou des casiers en libre-service : le véhicule diesel, progressivement interdit en ville, livre le point de transbordement, puis des véhicules moins polluants, moins bruyants, moins encombrants, (fonctionnant au gaz naturel, électriques, éventuellement autonomes, voire des vélos) effectuent le fameux dernier kilomètre. Récemment, Renault s’est associé à La Poste pour concevoir le service de livraison du futur, notamment par la création d’un véhicule autonome.

Ces infrastructures de transbordement existent déjà dans de nombreuses villes : on peut par exemple citer Bordeaux qui développe des Espaces Logistiques de Proximité depuis 2003.

Marchés de la logistique

L’immobilier logistique représente 10 à 15% des investissements tertiaires en France depuis 4 ans alors que son poids était d’à peine 3% en 2010. Près de la moitié des transactions concernent des surfaces d’entrepôts supérieures à 30.000 m² (la taille de trois hypermarchés). Cette proportion est en augmentation mais reste relativement stable (30% en 2010, 40% en 2020).

Le segment médian (plateformes de 10 à 30.000 m²) reste majoritaire.

Ces deux marchés, principalement concentrés le long de la dorsale Lille-Paris-Lyon-Marseille, laissent une place de quelques pourcents à la logistique « urbaine » qui, elle, compte majoritairement des surfaces de moins de 5.000 m².

Ce dernier marché, celui qui nous intéresse aujourd’hui, interpénètre celui des locaux d’activité, dont la demande se situe majoritairement sur des surfaces de moins de 2.000 m².

Les locaux d’activité, un mix entre entrepôts, ateliers d’assemblage, et bureaux d’ingénieurs, se sont historiquement beaucoup développés entre les années 70 et 2000. Souvent obsolètes en termes de demande utilisateur, ils sont aujourd’hui repris et réhabilités afin de les rendre compatibles avec les attentes du marché de la logistique urbaine. Face à une pénurie de fonciers en centre-ville, ces actifs sont désormais très recherchés. En effet, la plupart du temps situés en périphérie immédiate des grandes métropoles, leur « recyclage » vers la distribution du dernier kilomètre apparaît naturelle.

 

Une autre réponse à la difficulté de libérer des surfaces de stockage intra-muros consiste à utiliser des espaces souterrains existants. La réduction progressive de la circulation automobile en centre-ville contribue à vider certains parkings urbains.

À Paris par exemple, Chronopost exploite déjà deux espaces logistiques urbains (ELU) souterrains. Le premier, inauguré en 2005, est situé sous la Place de la Concorde, dans un ancien parking. Le second, en service depuis 2013, est situé à Beaugrenelle dans le 15ème arrondissement.

Conclusion

Même si la locution « logistique du dernier kilomètre » a beaucoup été utilisée à des fins de marketing, cette notion traduit, pour autant, des besoins véritables relevant d’une évolution profonde. Les réponses apportées par les politiques de la ville, par les acteurs de l’immobilier et les utilisateurs sont encore multiformes. La demande est particulièrement tendue dans un marché géographiquement contraint. L’augmentation des prix sur ces typologies d’actifs constitue donc une résultante inéluctable. Se positionner en tant qu’investisseur, maintenant et dans les quelques années qui viennent, apparaît opportun : la période est encore propice à condition de rester raisonnable : les arbres ne montent pas au ciel !