Chronique Mensuelle Invest AM : Mars 2021

Inflation ou reflation, telle est la question !

Nous avons emprunté à William Shakespeare la première phrase de son célèbre monologue de Hamlet. Dans cette scène, le prince de Danemark erre dans son château d’Elseneur en réfléchissant sur la vie et la mort, se plaignant de l’injustice de la vie et contemplant le suicide. Certes, nous reconnaissons bien volontiers que les questions que peuvent suggérer l’état des marchés actuels ont une portée nettement moins radicale. Mais, il est clair que le retour de la problématique de l’inflation, après une absence de près de quinze ans, aura une influence très significative sur la performance des placements à moyen terme. Nous allons voir que l’accélération de la croissance a ressuscité le débat mais que celui-ci est encore un peu prématuré.

Chronique Mensuelle Invest AM : Inflation ou reflation, telle est la question !

La remontée des taux crée la surprise

En tout début d’année, nous avions estimé que le consensus de marché reposait sur trois postulats :

– Une normalisation progressive des économies avec un retour à une croissance soutenue
– Une absence durable de défauts d’entreprises
– Le maintien de taux bas avec un contrôle effectif des banques centrales sur les taux à court et plus long terme

À l’époque, il nous avait paru que ces trois postulats étaient difficilement conciliables sur la durée. Quelques mois plus tard, les anticipations de croissance sont encore meilleures que prévu. La victoire des démocrates en début d’année et le passage d’un plan de relance de près de 1 900 milliards de dollars y ont largement participé. De même, le marché du crédit aux entreprises est relativement calme sans faillites majeures à constater.

En revanche, les banques centrales semblent avoir partiellement perdu le contrôle du marché des obligations à long terme. En effet, les taux aux Etats-Unis sont remontés significativement pour atteindre des niveaux similaires à ceux qui prévalaient avant la crise de la Covid-19. L’élection en Géorgie a marqué une rupture :

– Le déficit budgétaire remplace la création monétaire comme principal instrument de relance,
– Les taux d’intérêt se substituent au dollar comme variable d’ajustement.

Cette remontée subite des taux a fini par peser sur les marchés actions et plus particulièrement sur les marchés ayant connu les meilleures performances en 2020. Ces derniers ont commencé à vaciller, espérant une certaine sollicitude de la part des autorités monétaires, et plus particulièrement de la réserve fédérale américaine. Cependant, cette dernière a fait la sourde oreille pour deux raisons :

– D’une part, cette remontée des taux s’est accompagnée d’une appréciation des anticipations d’inflation : la hausse des taux d’intérêt réels (taux d’intérêt nominaux diminués de l’inflation) – qui est la variable la plus importante a été plus limitée ;

– La pression sur certains marchés vient d’une anticipation d’accélération de la croissance et non, comme ce fut le cas au cours des dernières années, du fait de perspectives d’un ralentissement économique.

Cela a eu pour conséquence une rotation sectorielle extrêmement violente mais sans conséquence majeure sur les indices mondiaux. L’Europe a d’ailleurs été l’une des bénéficiaires de cette évolution en relatif. Néanmoins, la forte différence d’appréciation sur les perspectives en matière d’inflation qui subsiste entre les marchés et les banques centrales devrait venir alimenter une volatilité ultérieure.

Inflation ou reflation telle est la question !

Il existe donc une différence de perspective notable entre des marchés qui anticipent une remontée structurelle de l’inflation et des banques centrales qui considèrent que la remontée des niveaux d’inflation sera transitoire. Ce phénomène de reflation va accompagner le retour à la normale des économies et sera amplifié par la comparaison avec la période de fermeture complète subie il y a bientôt douze mois.

Il y a un an, nous avions écrit que la « dette covid » serait probablement soldée par le retour de l’inflation et donc par les épargnants. Nous conservons la même opinion mais il est important de souligner que l’inflation ne se décrète pas et qu’un délai d’environ quatre à six semestres est nécessaire entre l’accélération de la croissance liée au retour à la normale et l’apparition des premières tensions inflationnistes structurelles.

Donc, si l’on accepte que nous sommes face à un phénomène d’inflation temporaire lié au retour à la normale aussi appelé reflation, cela a deux implications : d’une part l’ampleur de la hausse des taux long apparaît un peu exagérée et d’autre part les taux d’intérêt réels sont un peu plus élevés que l’on ne croit. Cela signifie que les taux longs, notamment américains, sont intéressants du fait d’une augmentation de leur rémunération réelle et que la partie la plus spéculative du marché actions est aussi plus fragile qu’il n’y paraît.

C’est ce qui est reflété dans nos portefeuilles qui sont investis de manière importante dans des valeurs sensibles à la croissance qui nous semblent avoir du potentiel ainsi que sur les taux longs américains qui affichent les rendements les plus élevés parmi les obligations des pays développés.

Nous sommes face à un phénomène d’inflation temporaire lié au retour à la normale aussi appelé reflation.

Gilles ETCHEBERRIGARAY

Gilles ETCHEBERRIGARAY

Directeur Général
Rédigé le 11 mars 2021

INVEST AM – Société de gestion agréée par l’AMF – N° GP 10000054 – 50 bd Haussmann – 75009 PARIS

Données arrêtées au 11/03/2021 l Source : Invest AM, Morningstar TM, Quantalys, Bloomberg I Classements Morningstar et Quantalys susceptibles d’évoluer dans le temps I SRRI ou échelle de risque allant de 1 – 7. A risque plus faible (1), rendement potentiellement plus faible, – risque plus élevé (7), rendement potentiellement plus élevé I Les performances affichées pour la gestion pilotée représentent la performance moyenne des portefeuilles de référence des différents assureurs. Elles sont calculées nettes de frais de gestion prélevés par Invest AM mais hors frais d’enveloppe (frais de contrat pour les assurances vie et droit de garde pour les comptes titres) I Les performances passées ne constituent pas un indicateur fiable des performances futures et ne sont pas constantes dans le temps.

Cyrus Conseil : Gestion financière