Chronique Mensuelle Invest AM : janvier 2022

Catch 22

Dans ce roman publié en 1960, J. Heller raconte l’histoire d’un pilote de bombardier américain basé en méditerranée pendant la seconde guerre mondiale. Ce dernier essaie d’échapper par tous les moyens possibles, dont la simulation, à l’envoi au front mais se trouve confronté à l’article 22 qui stipule que « toute personne qui cherche à échapper au combat n’est pas folle ». Ce roman qui connut un énorme succès lors de sa sortie a donné naissance à l’expression populaire « catch 22 » (comprendre 22) qui désigne une situation inextricable dans laquelle tout mouvement ne peut amener que des problèmes. Outre la coïncidence du nombre 22, la situation semble correctement décrire la position de la banque centrale qui, quelle que soit sa décision, risque d’entraîner des mouvements inopinés sur une partie ou une autre des marchés. Nous allons donc voir qu’en dépit du maintien de points d’attention géopolitiques ou sanitaires, les décisions des banques centrales seront au cœur de l’actualité en 2022.

Des risques géopolitiques et sanitaires toujours présents

L’année 2022 peut effectivement démarrer avec un conflit entre l’Ukraine et la Russie avec une implication indirecte de l’OTAN. Ceci dépendra de la réponse de Vladimir Poutine aux discussions entre américains et russes qui ont démarré lundi 7 janvier à Genève. Néanmoins, nous devrions connaître l’issue rapidement car ce dernier ne peut pas maintenir durablement en condition opérationnelle 100 à 150 000 soldats à la frontière russo-ukrainienne. Pour le moment, l’absence sur le terrain de certaines composantes nécessaires à une attaque peut laisser penser que le pire pourrait être évité. Toute offensive, même de nature limitée, aurait clairement des répercussions sur les bourses d’Europe de l’est mais surtout sur les marchés de l’énergie en Europe du fait de la fermeture de facto de l’un des deux gazoducs alimentant l’Europe et passant par l’Ukraine. N’oublions pas que la Russie fournit environ 35% du gaz consommé en Europe et que le gaz représente environ 22% du mix énergétique européen.

Sur le plan sanitaire, même si la situation reste compliquée à court terme, la couverture vaccinale et la moindre dangerosité du variant Omicron semblent limiter les possibilités de saturation des capacités hospitalières et donc offrir, après un pic en janvier sur les pays développés, une perspective d’amélioration durable. Le prochain enjeu concernera essentiellement la Chine et sa capacité à tenir sa politique « zéro covid » dans un monde où d’une part, l’infection sera devenue endémique et d’autre part, les autorités chinoises se refusent à vacciner, probablement pour des raisons politiques, la population avec des vaccins américains ou européens. Ce risque sera maximal au moment des JO d’hiver en février et pourrait impacter la production industrielle et les prix mondiaux en cas de confinement massif dans certaines régions industrielles.

Une année cruciale pour la Chine

Au-delà des tracas liés à la gestion du Covid, les autorités chinoises devront également faire face au ralentissement du marché immobilier chinois et à la quasi-faillite d’un certain nombre de promoteurs. Face au choix entre un assainissement du marché, au prix d’un ralentissement très significatif de la croissance (de 6/7% à 2%), ou bien le maintien de la croissance en recourant aux bonnes vieilles méthodes de relance par les infrastructures publiques, nous pensons que la direction chinoise en cette année de congrès privilégiera la stabilité et donc la relance. Néanmoins, cela ne fera pas disparaître le problème immobilier et ne réparera pas un modèle de croissance qui nous semble désormais épuisé. Le problème de l’ajustement du modèle de croissance chinois, même si l’on s’attend à un rebond pour 2022, ne fait que commencer et nous aurons l’occasion de revenir sur ce point dans les mois qui viennent.

Le couple inflation banque centrale au cœur de l’année financière

A l’instar de ce que nous avons pu constater sur les premiers jours de l’année, la politique de la Réserve Fédérale américaine sera la variable la plus déterminante pour les marchés financiers en 2022. Cette dernière commence l’année sur une note assez agressive qui contraste avec le discours plutôt émollient que portait son président J. Powell jusqu’en novembre (il semblerait que la confirmation du renouvellement de son mandat l’ait rendu un peu moins conciliant). De fait, la banque centrale apparaît comme étant en retard sur la conjoncture avec des taux directeurs toujours à 0% face à une croissance et une inflation supérieures à 5%. Dans ces conditions, la précipitation de la sortie de la politique de création monétaire et une première hausse des taux en mars paraissent acquis et nécessaires. En revanche, il nous paraît clair que la Fed a trop tardé et qu’elle accélère à contretemps alors que la conjoncture mondiale commence à ralentir et que les pressions inflationnistes devraient s’atténuer dans les mois qui viennent. La conjonction d’une politique monétaire agressive et d’un ralentissement économique un peu plus significatif pourraient, s’ils se confirmaient, produire quelques étincelles dans la deuxième partie de l’année. Quant à la BCE, on commence à entendre une musique plus martiale mais la conjoncture européenne et la perspective de ralentissement de l’inflation (avec la disparition des effets de base sur l’énergie) ne devraient pas lui permettre d’échapper à une hausse de taux en 2022.

Nos thèmes d’investissement :

Nous restons favorables au dollar US tant que prévaut un discours plus agressif de la Fed mais les devises émergentes commencent à offrir des perspectives de rendement mais surtout d’appréciation plus attrayantes. Concernant les actions, nous sommes légèrement sous-pondérés par rapport aux expositions cibles de nos portefeuilles, mais le secteur de l’énergie conserve nos faveurs. L’internet chinois qui a perdu 66% de sa valeur depuis ses plus hauts de février 2020 nous semble intéressant notamment en cas de tentative de relance significative en Chine. Globalement, les marchés émergents pourraient afficher des perspectives plus intéressantes en 2022. Enfin, en dépit d’un début d’année difficile, les taux américains nous semblent toujours intéressants : l’économie et surtout les marchés auront du mal à soutenir durablement des taux aux alentours de 1,75/2,00%. En outre, les obligations américaines sont correctement rémunérées et offrent une protection en cas de volatilité sur les marchés actions.

Gilles ETCHEBERRIGARAY

Gilles ETCHEBERRIGARAY

Directeur Général Invest AM
Rédigé le 21 janvier 2022

INVEST AM – Société de gestion agréée par l’AMF – N° GP 10000054 – 50 bd Haussmann – 75009 PARIS

Données arrêtées au 11/03/2021 l Source : Invest AM, Morningstar TM, Quantalys, Bloomberg I Classements Morningstar et Quantalys susceptibles d’évoluer dans le temps I SRRI ou échelle de risque allant de 1 – 7. A risque plus faible (1), rendement potentiellement plus faible, – risque plus élevé (7), rendement potentiellement plus élevé I Les performances affichées pour la gestion pilotée représentent la performance moyenne des portefeuilles de référence des différents assureurs. Elles sont calculées nettes de frais de gestion prélevés par Invest AM mais hors frais d’enveloppe (frais de contrat pour les assurances vie et droit de garde pour les comptes titres) I Les performances passées ne constituent pas un indicateur fiable des performances futures et ne sont pas constantes dans le temps.

Cyrus Conseil : Gestion financière