« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années », P. Corneille
À la fin du trimestre, Invest AM a fêté ses 10 ans de gestion et la valeur citée dans le titre est celle que nous espérons avoir pu créer pour nos clients pendant la période. Mais pour rester dans la veine cornélienne, nous partîmes cinquante millions et par un prompt renfort, nous nous vîmes huit cent cinquante millions en arrivant au port dix ans après. Nous remercions donc, très sincèrement les clients qui nous ont fait confiance au cours de la décennie écoulée. Au-delà des circonstances spéciales qui entourent cet évènement et nous empêchent de le fêter comme il conviendrait, nous allons faire un petit bilan de la décennie financière écoulée avant d’essayer de nous projeter sur la prochaine.
Bilan de cette décennie financière :
Dans un premier temps, nous allons comparer quelques valeurs financières pour mesurer le chemin parcouru au cours de la période :
On pourra ajouter que parmi les dix principales capitalisations mondiales en mars 2011, figuraient seulement deux valeurs technologiques (Apple et Microsoft) dans un classement dominé par les valeurs pétrolières (5 sur 10).
Ces données mettent en exergue les trois faits marquants que nous avons retenus concernant les marchés financiers durant la période :
- L’apparition durable et massive de taux d’intérêts négatifs : ces derniers étaient considérés comme une impossibilité économique avant le début du siècle (le seul bref exemple du Danemark des années 90 était étudié avec une curiosité d’entomologiste). L’apparition de taux négatifs qui est la conséquence d’un excès d’épargne à l’échelle mondiale montre la prévalence de la monnaie dite scripturale. Désormais, la monnaie est avant tout une créance qui peut afficher un taux négatif. Ces taux négatifs sont le reflet d’un manque global d’investissement et d’activité économique à l’échelle mondiale mais surtout européenne durant la décennie.
- Le changement de nature du marché pétrolier : nous sommes passé d’une vision de peak oil en production (il n’y aura pas assez de pétrole sur la planète et la dernière goutte vaudra une fortune) à un peak oil de consommation où il restera du pétrole sous terre qui ne sera jamais consommé et dont la valeur terminale est nulle. La prise de conscience a eu lieu en 2015 avec la chute brutale des prix du pétrole.
- La surperformance des valeurs technologiques : les valeurs technologiques américaines et chinoises ont été les incontestables leaders du marché haussier qui a démarré en 2009 et qui se poursuit aujourd’hui. A la fin de l’année dernière, Berkshire Hathaway, la holding de Warren Buffet était la seule valeur non technologique réussissant à se hisser à la 10ème place du classement des capitalisations mondiales. Cette domination des valeurs technologiques explique d’ailleurs la surperformance notable des marchés américains sur les marchés européens.
Le choix cornélien des banques centrales
Cependant, les marchés financiers sont cycliques par nature et nous allons essayer de nous projeter dans les tendances qui pourraient caractériser la prochaine décennie :
- Le retour de l’inflation : comme nous l’avons écrit dans notre dernière note, le retour de l’inflation nous apparaît comme étant la solution la moins douloureuse pour solder la dette Covid. La concomitance entre les politiques budgétaires actives et les politiques monétaires expansionnistes est une différence majeure avec la décennie précédente qui avait vu une forte expansion monétaire couplée à des politiques budgétaires plutôt restrictives (crise de l’euro, majorité républicaine anti-déficit jusqu’en 2016 et faible appétence pour la politique budgétaire en Chine). Lorsque l’économie reprendra un cours normal, on constatera probablement que le retour à une demande privée normale, la persistance des déficits publics et l’ampleur de la création monétaire déjà effectuée alimenteront le retour des pressions inflationnistes structurelles.
- La sortie des taux zéro : la remontée des pressions inflationnistes laissera les banques centrales face à un choix que nous qualifierons, pour rester dans le ton de la note, de « cornélien ». En effet, il nous semble inévitable que ces dernières soient confrontées dans quelques années à une remontée significative des taux longs : à ce moment-là, elles peuvent décider de ne rien faire, laissant les anticipations d’inflation et les taux longs continuer à monter, ce qui augmentera significativement les pertes des investisseurs ou alors elles accepteront de remonter les taux courts afin de limiter la hausse, au risque de déclencher un fort ralentissement voire une récession. Il nous semble en tout cas très clair que la conjoncture actuelle où l’on peut conjuguer sans peine déficits importants et taux longs et courts très bas ne durera qu’un temps.
- La fin du pétrole prendra plus de temps que prévu : la transition vers la fin de l’ère pétrolière est en marche mais il nous semble que les anticipations de baisse de la consommation pétrolière sont trop rapides. En conséquence, le secteur subit un manque d’investissement nécessaire au maintien de la production (l’essentiel de la diminution de la production de carbone liée au secteur de l’énergie se fait dans un premier temps par la disparition du charbon nettement plus polluant). Que ce soit à travers l’indispensable transition énergétique ou bien l’entretien des capacités pétrolières qui resteront nécessaires à court terme, le secteur de l’énergie aura besoin d’investissements massifs dans la prochaine décennie et cela se traduira par un renchérissement du coût de l’énergie. Cela limitera la hausse de la consommation et accélèrera la migration vers les énergies renouvelables mais contribuera également aux tensions inflationnistes.
- Le risque chinois : la Chine sort renforcée de la crise du Covid mais la prochaine décennie pourrait mettre en exergue les faiblesses structurelles du modèle chinois (démographie en berne, absence de système judiciaire fiable et de protection de la propriété intellectuelle, faiblesse du système social qui oblige au maintien d’une épargne élevée, dépendance à l’investissement pas toujours productif). L’autre risque tient à la reprise en main politique de la sphère économique privée par le parti communiste chinois : la récente mise au pas brutale des géants de l’internet chinois risque de priver l’économie de ses éléments les plus dynamiques. Sur le plan géopolitique, l’évolution des relations sino-américaines et la question de Taiwan seront une source de tensions potentielles.
En conclusion, au-delà de l’exercice de prévisions qui comme le soulignait Pierre Dac, « sont toujours difficiles surtout lorsqu’elles concernent l’avenir », nous pouvons faire aisément le constat que la première décennie d’existence d’Invest AM a été marquée par de nombreuses vicissitudes de marché et que la prochaine décennie le sera également. Face à ces impondérables inévitables, nous poursuivrons nos efforts afin de pouvoir fournir à l’ensemble de nos clients des portefeuilles diversifiés, investis globalement et robustes en cas de choc. Nous espérons donc que nous pourrons continuer à accompagner nos clients encore de longues années afin de leur permettre d’investir sereinement et profitablement.

Gilles ETCHEBERRIGARAY
Directeur Général
Rédigé le 12 avril 2021
INVEST AM – Société de gestion agréée par l’AMF – N° GP 10000054 – 50 bd Haussmann – 75009 PARIS
Données arrêtées au 11/03/2021 l Source : Invest AM, Morningstar TM, Quantalys, Bloomberg I Classements Morningstar et Quantalys susceptibles d’évoluer dans le temps I SRRI ou échelle de risque allant de 1 – 7. A risque plus faible (1), rendement potentiellement plus faible, – risque plus élevé (7), rendement potentiellement plus élevé I Les performances affichées pour la gestion pilotée représentent la performance moyenne des portefeuilles de référence des différents assureurs. Elles sont calculées nettes de frais de gestion prélevés par Invest AM mais hors frais d’enveloppe (frais de contrat pour les assurances vie et droit de garde pour les comptes titres) I Les performances passées ne constituent pas un indicateur fiable des performances futures et ne sont pas constantes dans le temps.